Herman Nau, le natif des Cayes, ancien ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Éducation civique, un des pères fondateurs du mythique Tabou Combo, est décédé, le dimanche 25 juillet 2021, aux États-Unis.
Par Claude Bernard Sérant
Le Nouvelliste
Herman Nau, le natif des Cayes, ancien ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Éducation civique, un des pères fondateurs du mythique Tabou Combo, est décédé, le dimanche 25 juillet 2021, aux États-Unis. Nau, ce multiinstrumentiste qui avait fait ses premiers pas dans la musique avec son grand frère en jouant de l’accordéon sous le beau ciel de la métropole du Sud, a rendu l’âme à l’hôpital méthodiste de Brooklyn suite à un AVC qui l’avait plongé dans un coma. La famille Tabou combo, la communauté des fans de ce grand musicien qui avait soulevé l’admiration partout où il avait joué sont frappées par cette disparition dans le paysage musical.
Le ministre de la Culture et de la Communication, Jean Emmanuel Jacquet, a salué le départ d’Herman Nau qu’il qualifie de batteur exceptionnel, créateur de joie, forgeur de destins, artiste talentueux. « Le cofondateur du Tabou Combo en 1968, Herman Nau aura marqué, par son charisme et son jeu, la musique populaire haïtienne des soixante dernières années. Il est d’ailleurs parti à la veille de la célébration des 66 ans du compas, ce lundi 26 juillet 2021. Il nous manquera beaucoup », a écrit le ministre.
Le musicien Fabrice Rouzier a écrit sur Twitter : « Cher Herman. Un honneur pour moi d’avoir partagé de bons moments en musique en ta compagnie. Vas vers la lumière mon ami. Condoléances à Ruddy, Huschai, Bendji et ma grande famille des Tabou Combo Superstars. »
De l’ombre à la lumière
Co-fondateur de Tabou combo avec Albert Chancy, ce groupe qui a conduit le compas sur les cinq continents, Nau avait le feu sacré. Son génie musical a imprégné l’ensemble depuis le début de l’aventure en 1966, à Pétion-Ville. Puisque les talents appellent les talents, très vite Nau et Chancy allaient voir se regrouper autour d’eux des musiciens à la fleur de l’âge. Certains n’avaient même pas encore vingt ans : Michelot Benjamin, Bob Sampeur, Raynold Duverglas, Jean Bernard Dorga, Claude Jean, Aliscar William.
Puisqu’ils étaient des inconnus, la bande à Nau et Chancy poussa leur humilité à appeler leur mini-jazz « Los Incognitos ». Lorsqu’en 1967 ces illustres inconnus remportèrent le concours de musique de radio Haïti, ils adoptèrent une autre posture et rebaptisèrent le groupe Tabou combo. Depuis, ils s’envolent sur les ailes du succès.
Tout succès grise et fait perdre la tête. Avec Herman Nau s’établit la discipline. On ne boit pas dans le groupe du Tabou combo Superstar avant et durant la prestation sur scène. Nau a dirigé le groupe comme un père de famille. Une telle attitude a parfois agacé la susceptibilité des uns et des autres. Ce n’est pas les enfants du sérail du Tabou : Yvon André (Kapi), Jean-Claude Jean, Yves Joseph (Fanfan Ti Bòt), Roger M. Eugène (Shoubou) qui sont là depuis les années 60 qui diront le contraire. Tabou a traversé le temps grâce à la discipline du groupe. Grâce au leadership des anciens, l’ensemble n’a pas volé en éclats. Même après une pause en 1970, le rêve brûlait encore dans l’âme d’Herman Nau. En effet, il a reformaté l’ensemble avec Jean-Claude Jean, Raymond Kapi et a fait appel au charismatique Dadou Pasquet.
On signalera au passage que Dadou a abandonné la bande à Nau pour créer le Magnum Band, la seule différence. Le trajet de Tabou Combo Superstar n’a pas été un long fleuve tranquille. Toutefois, le résultat est là.
Tabou, dans son patrimoine, regorge d’albums qui ont mis le feu aux poudres : Haïti/Yapatia (1969), Respect (1973), 8th Sacrement (1974), The Masters (1975), Indestructible (1976), L’an 10 (1977), The music machin (1978), Voye monte (1979), Bese Ba (1980), Et alors (1981), Boléro Jouk Li Jou (1981), Min Sirop (1983), Allo Allo (1984), Incident (1986), Kite M Fè Zafè M (1987), Aux Antilles (1988), Zap Zap (1991), Go Tabou (1992), Rasanble (1994), Référence 1996, Sans Limites (2000), Préjugé (2001), Taboulogie (2005), Konpa To The World (2010).
Nau, le légendaire batteur du Tabou a fait du chemin dans la vie. En 2000, sous l’administration Aristide-Neptune, il fut ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Éducation civique. Tout a commencé aux Cayes, en passant par Pétion-Ville où il a trouvé un foyer de talents. C’est dans cette ville qu’il s’est épris de la batterie, instrument qu’il a manié avec brio à côté de la trompette.
Les fans de l’ambassadeur du compas se souviendront toujours de la boule à zéro d’Herman Nau. De la sueur ruissèle sur tout son corps. Il est en nage. Une grosse serviette est disposée pour l’éponger. La signature musicale de Nau est audible sur une batterie outillée de plusieurs attirails. Nau fait parler l’instrument à percussion. Il le fait chanter. Ça roule, tinte et explose en timbres métalliques. À l’aide de baguettes et de pédales, il impulse à l’instrument sa couleur intérieure, son rythme, sa sonorité qui emplit Tabou de plaisirs sacrés. «Oui. sa se Tabou». Non, on ne t’oubliera jamais Herman Nau.
Par Claude Bernard Sérant
Le Nouvelliste